Opioïdes : Comprendre et agir pour éviter la crise

Êtes-vous un drogué ?

Êtes-vous un drogué ? « Qu’importe le flacon… »

Dans nos sociétés occidentales, un « junkie » est un invisible. On les imagine, traînant dans d’affreux squats ou au fond de ruelles obscures, à mi-chemin entre le délinquant et le clochard. Une image d’Épinal inversée, en quelque sorte.

Dans tous les cas, un drogué est, dans notre inconscient collectif, un marginal. Nous les plaignons – ou nous les condamnons, c’est selon – et, avouons-le, nous nous désintéressons plus ou moins de leur sort. Après tout, ils ont choisi leur poison. Pour le commun des mortels, un junkie « sniffe de la coke » ou s’injecte de l’héroïne. Une existence en marge de la vie réelle, soumise aux diktats de la dépendance qui les conduit, le plus souvent, à la mort.

 

Des préjugés à la réalité

Et c’est bien le cas pour une – petite, heureusement ! – partie de la population : selon le dernier bilan de l’OFDT (Observatoire Français des Drogues et des Tendances addictives), les consommateurs réguliers de cocaïne, la seconde drogue illégale la plus consommée, sont au nombre de 600 000 en 2022. Puis, vient l’ecstasy, avec 400 000 usagers. Bien entendu, la drogue la plus consommée en France reste le cannabis, et ses 1,3 million de consommateurs réguliers (tous ces chiffres ne concernent pas les usagers dits « expérimentateurs », dont la consommation reste très occasionnelle).

Si nous additionnons ces données, nous avons donc un peu plus de deux millions de « drogués » en France. Sur presque soixante-dix millions d’individus, cela ne semble pas une situation dramatique, n’est-ce pas ?

Cela ne signifie pas que ce ne soit pas grave ni préoccupant, mais que ces addictions restent, dans une certaine mesure, marginales.

Or, les « drogués » sont bien plus nombreux.

Et ils ne sont pas forcément dans les squats, les prisons ou dans les ruelles sordides. Non, ils sont le plus souvent bien en vue, parfois portant costumes-cravates, parfaitement intégrés à la société : ils paient des impôts, travaillent, ont des familles, des amis, des amours, ils votent et consomment comme vous et nous.

D’ailleurs, nous en faisons – presque – tous partie.

Mais oui ! Car il existe toutes les drogues dites « licites »… Officiellement, ces dernières sont : le tabac, l’alcool et les médicaments opioïdes et, dernière catégorie à être classée comme telle, les jeux d’argent et de hasard – c’est une des rares addictions ne faisant pas appel à des substances psychoactives. Si nous continuons l’analyse de ce rapport de l’OFDT, nous découvrons que le pourcentage de « junkies » en France ne cesse de s’allonger : 12 millions d’addicts à la cigarette, 5 millions à l’alcool, 1,3 million aux jeux d’argent et de hasard, et environ 400 000 mille usagers « problématiques » aux opioïdes sachant que ce chiffre est pour le moins sous-évalué car l’immense majorité des consommateurs d’opioides ne se considèrent pas comme des drogués. Encore une fois, nous ne parlons pas de consommation ponctuelle, mais bien d’addiction.

 

Les addictions au quotidien

Même si ce constat est assez effrayant, peut-être ne vous reconnaissez-vous pas dans ces comportements – et peut-être ne faites-vous, effectivement, pas partie de ces quelque vingt millions d’addicts !

Qui n’a jamais, après une journée de travail épuisante, puisé du réconfort en se servant un verre ? Ou allumé une cigarettelorsque la pression menace de vous rendre dingue ? Est-ce que remplir une grille de loto un dimanche matin fait de vous un drogué ?

En fait, la question est la suivante : à quel moment nos habitudes sont-elles des addictions ? Car il existe bien d’autres comportements addictifs : on peut l’être au sexe, au sport, au travail, aux réseaux sociaux, au sucre…

Les études et les rapports sanitaires distinguent trois catégories de comportements :

  • la consommation occasionnelle
  • la consommation régulière
  • la consommation problématique, soit la toxicomanie.

Mais les évaluations ne sont jamais très précises et fluctuent d’une étude à l’autre : est-ce que boire un verre tous les soirs, c’est être alcoolique ? À quel moment passe-t-on de la consommation régulière à la consommation problématique ?

La définition de cette dernière est l’incapacité à maîtriser sa consommation.

 

Addiction et maîtrise de la consommation

« Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ». Alfred de Musset avait raison : qu’il s’agisse de psychotropes, d’alcool, de sexe ou de cocaïne, la trame de base reste la même : nous recherchons la récompense (réf article mécanismes de l’addiction).

Et cette réponse neuronale à un acte que l’on sait très dangereux est tellement puissante qu’elle occulte le danger pour privilégier l’effet immédiat. Vous pouvez poser la question à n’importe quel fumeur, si vous ne l’êtes pas vous-même : quel individu serait assez fou pour allumer une cigarette, en sachant ce qu’il injecte dans son organisme – nicotine, goudron, mercure, plomb, cyanure, etc. – si la récompense n’était pas à la hauteur ?

C’est notamment le cas avec les opioïdes, et c’est ce qui explique la croissance inquiétante de consommation de médicaments « à titre récréatif », ou hors du cadre médical : l’effet euphorisant qu’ils déclenchent est une récompense qui fait passer au second plan tous les risques liés à leur consommation… Comme n’importe quelle drogue, donc, légale ou non.

Nous sommes tous, sinon des drogués, du moins des drogués en puissance. Tout simplement parce que nous sommes humains.

Nos sources : https://www.ofdt.fr/ofdt/reitox/rapports-nationaux/rapport-national-loedt-2022/

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