Opioïdes : Comprendre et agir pour éviter la crise

Comprendre la crise des opioïdes : « Ce qui ne nous tue pas… »

Pas de crise des opioïdes en France ?

Plus de cinq cent mille morts. C’est le terrible bilan – malheureusement, provisoire – de la fameuse « crise des opioïdes » aux États-Unis, depuis le début des années 2000.

Une crise qui, selon de nombreux professionnels de la santé, n’avait aucun risque de se répliquer en France. C’est ce qu’affirmaient les spécialistes en 2020, en avançant les arguments suivants : un dispositif de soins beaucoup moins libéral et plus régulé qu’aux États-Unis, des médecins qui ne font pas de profit sur les médicaments qu’ils prescrivent, la publicité qui est interdite sur les médicaments remboursés, etc. 

Malgré l’augmentation substantielle et ininterrompue des prescriptions aussi bien d’antalgiques que d’antidépresseurs, la France, affirmait-on, serait épargnée par cette incroyable vague de décès liés à la surconsommation d’opioïdes.

Trois années plus tard, le constat est… légèrement différent.

Il y a quelques semaines, nous pouvions lire le titre suivant dans les médias : « Oxycodone : la Nouvelle Aquitaine en première ligne, la consommation de l’opiacé explose »

Ainsi que de nombreux autres articles diffusant des informations alarmantes. La Société française de pharmacologie – la SFPT – tire la sonnette d’alarme sur son site officiel, attirant surtout l’attention sur l’explosion des prescriptions d’oxycodone.

En quoi l’utilisation prolongée et fréquente des opioïdes peut-elle être dangereuse ? Et, tout d’abord, en quoi consiste exactement cette fameuse « crise des opioïdes » ?

Quelles sont les origines de la crise des opioïdes ?

Nous avons fait le point sur ce qu’est un opioïde (ref article précédent). 

Leur utilisation médicale est très ancienne, qu’elle soit sous forme naturelle – dérivée directement de la fleur de pavot – ou sous forme synthétique ou semi-synthétique. 

La morphine, la codéine… sont des médicaments presque banals aujourd’hui, ou, en tout cas, leur consommation est entrée dans les mœurs depuis longtemps. Aux États-Unis, les premières alertes sur un surdosage sont apparues dès les années vingt, mais elles restaient marginales et méconnues de la population… Il faut attendre la guerre du Vietnam et les fins tragiques de plusieurs légendes du rock par overdose – Janis Joplin, Jim Morrison… –pour que le mot « addiction » soit bien compris. Mais il s’agit toujours d’un concept lointain, qui ne concerne qu’une minorité de personnes, comme les stars du rock et, bien sûr, les « junkies ».

La crise américaine commence dans les années 2000, avec l’arrivée sur le marché de médicaments utilisant de l’oxycodone pur, d’une efficacité redoutable pour gérer la douleur. Les médecins prescrivent de plus en plus souvent cette molécule, non plus seulement pour les maux liés aux maladies comme le cancer, mais aussi pour tous les types de douleurs. Peu à peu, la consommation de ces opioïdes très puissants explose littéralement, provoquant des overdoses mortelles.

Pourquoi cette augmentation exponentielle des prescriptions et des abus de consommation ?

Trois raisons expliquent ce phénomène.

L’efficacité presque magique de cette molécule, tout d’abord. Quand vous souffrez, peu importe ce qu’on vous donne pour calmer votre douleur, vous prenez ! 

Puis, dans un second temps, c’est son additivité qui est responsable des surconsommations. Enfin, il y a ce que l’on pourrait appeler de manière peu orthodoxe « le second effet kiss cool » de ces médicaments : leur effet euphorisant. Si vous avez déjà consommé un médicament à base d’opium, vous savez déjà de quoi nous parlons. Cette exquise sensation que, peu importe ce qui vous tombe sur la tête, vous êtes parfaitement béat d’extase…

C’est cet étonnant effet secondaire qui, dans la grande majorité des cas, pousse le patient à poursuivre un traitement dont il n’a plus besoin. Un énorme marché parallèle a vu le jour pour répondre aux attentes de ces « junkies » d’un nouveau genre – un genre qui, cette fois, n’est plus du tout marginalisé, mais qui concerne des personnes « ordinaires ». Et lephénomène s’amplifie, tout comme la catastrophe sanitaire et le nombre de décès…

D’autres raisons sont avancées pour expliquer cette situation : la faible formation des médecins qui ignorent les effets à long terme de cette molécule et la prescrivent trop souvent, et trop longtemps ; des campagnes de publicité vantant les mérites de l’oxycodone, etc.

État des lieux de cette crise sanitaire en France

Selon un article du Parisien datant déjà de quelques années, il existe plus de deux millions de personnes dépendantes à ces médicaments, qui provoqueraient quatre-vingt-dix décès par jour.

Et en France, le pays où la publicité pour les médicaments conventionnés est interdite, et où les médecins n’ont pas de conflits d’intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques ?

Malheureusement, notre pays n’est plus épargné par cette crise.

Selon la SFPT, le nombre de patients en France ayant recours à l’oxycodone a augmenté de… 738 % depuis 2006. Les régions de Nouvelle Aquitaine et de la Bretagne seraient particulièrement concernées par ce phénomène. Les Français caracolent déjà en tête des populations consommatrices  d’antidépresseurs  ; faut-il donc craindre, sur notre sol, cette crise des opioïdes ?

Une chose est sûre, tout ceci fait mentir Nietzsche : 

Non, en matière de consommation d’opiacés, ce qui ne nous tue pas ne nous rend pas plus forts…

 

Nos sources : https://www.sudouest.fr/france/antalgiques-opiaces-la-nouvelle-aquitaine-en-premiere-ligne-la-consommation-d-oxycodone-explose-15271115.php

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