Opioïdes : Comprendre et agir pour éviter la crise

Comprendre la douleur

« Sois sage, ô ma Douleur… et tiens-toi plus tranquille… »

Ce vers de Charles Baudelaire illustre avec maestria le ressenti de tous ceux qui, à un moment ou à autre de leur existence, souffrent. Le poète évoque davantage la douleur psychologique, émotionnelle, mais le parallèle avec la souffrance physique est parfait !

Car c’est bien ce que vous attendez d’un antalgique : tenir la douleur à distance.

Nous parlons aujourd’hui de la gestion de la douleur ; et du mécanisme de la douleur. À quel moment une souffrance devient problématique en soi ? Comment recevez-vous le signal de la souffrance ? Comment le gérer ?

Vous le savez, un antalgique, quel qu’il soit, ne guérit rien. Son seul rôle est de rendre la douleur supportable. Mais savez-vous pourquoi vous avez mal ? Quel est le mécanisme de la souffrance ?

 

Comprendre le signal d’alarme

Considérez votre organisme comme une machine complexe, extrêmement subtile, dont chaque partie forme un tout avec des interactions permanentes.

Aux commandes de cette machine, bien entendu, il y a votre cerveau.

La douleur est simplement l’interprétation d’une information : lorsque votre organisme se sent agressé, il envoie un message à votre cerveau via les nocicepteurs.

Ce sont des récepteurs qui, par millions, sont répandus dans vos organes et dans votre peau, et qui agissent un peu comme des gendarmes, des gardiens de la paix.

Ce qu’on appelle la nociception est le mécanisme qui déclenche ce message d’alerte – à ce stade, vous ne ressentez pas encore la souffrance. Tout se passe en quelques millièmes de seconde : vous vous cognez le petit doigt de pied – satané petit doigt de pied, à toujours traîner là où il ne le faut pas ! – dans une porte, et les nocicepteurs logés dans ce satané doigt sont aussitôt stimulés. Ils utilisent le réseau de nerfs dédié à cette fonction – car, oui, vous possédez différents réseaux nerveux, chacun ayant son rôle – pour envoyer illico presto le message « Aïe ! ».

Les terminaisons nerveuses véhiculent le message de votre moelle épinière jusqu’à votre cerveau.

Lorsqu’il reçoit l’alerte, le cerveau analyse l’information pour adapter la réponse organique en conséquence : selon l’intensité du ressenti, les expériences passées, votre état émotionnel… il va adapter la « procédure à suivre » selon la gravité de la situation.

Dans notre cas, à part sautiller sur le pied valide en criant quelques injures, vous n’aurez pas grand-chose à faire… Mais il en ira différemment si, par exemple, vous saisissez une casserole brûlante à mains nues : l’alerte reçue par les nocicepteurs sera analysée comme une urgence absolue et le processus cognitif vous poussera à enlever immédiatement votre main.

 

Différencier la douleur aiguë de la douleur chronique

Il s’agit des deux types de douleurs bien distinctes : la douleur aiguë est celle que vous ressentez quand vous vous cognez ; elle est assez simple à gérer. Soit elle « passe » toute seule, soit un antalgique ponctuel suffit.

La douleur chronique, elle, est celle qui nous intéresse ici. Car elle est beaucoup plus problématique : lorsque le message est transmis au cerveau de façon prolongée, il modifie le fonctionnement même du réseau nerveux afin de faciliter, et accélérer le passage jusqu’à votre cerveau.

C’est un peu comme si, au lieu de passer par une petite porte après avoir toqué poliment et attendu la permission d’ouvrir, vous aviez dorénavant une porte béante avec un laissez-passer…

On considère qu’une douleur devient chronique si elle dure depuis plus de trois mois : elle perd alors sa fonction de base, celle de signal d’alerte. Au-delà de ce qui l’a déclenchée, coup, maladie, etc., la douleur devient elle-même le problème : on parle de « douleur maladie ».

 

Quand la douleur est devenue le problème

Nous voici, à présent, au cœur même du danger de l’utilisation prolongée des opioïdes.

La douleur chronique, quelle que soit sa cause, devient une maladie et il faut la traiter. Si vous avez déjà eu le grand plaisir de connaître les joies d’une sciatique ou d’une hernie, vous savez de quoi nous parlons : la douleur peut s’installer durablement, sur plusieurs mois, et vous avez besoin de plus en plus de « doses » d’anti-inflammatoires et d’opiacés pour vous soulager. Car ces derniers ont le gros défaut de provoquer une accoutumance.

Vous connaissez, grâce à nos articles précédents, le mécanisme de l’addiction. La récompense que vous recevez quand vous prenez un opioïde est double : vous ne souffrez plus – ou moins –, et vous vous sentez délicieusement euphorique. C’est ce phénomène qui est le plus dangereux lorsque l’on parle de médication trop prolongée : au-delà des effets purement physiques que, sur le long terme, les opioïdes peuvent causer, comme les atteintes du foie, ce sont l’accoutumance et l’effet euphorisant qui rendent le traitement très complexe à gérer.

On devient vite addict au bien-être… Charles Baudelaire en savait quelque chose, lui dont l’addiction à l’opium – qu’il consommait, en partie, pour atténuer les ravages de la syphilis – a précipité la fin.

 

Nos sources : https://www.ifemdr.fr/apprendre-a-vivre-avec-la-douleur/

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